
Pour faire suite à une analyse enrichissante publiée par un ami coach professionnel et psychopraticien sur les pistes à explorer pour prévenir le burn-out, j’ai essayé de pousser la réflexion un cran plus loin afin de rendre ses conseils encore plus explicites pour les entreprises et les managers vertueux, soucieux de l’équilibre psychologique de leurs collaborateurs.
Je ne dispose pas des compétences de coach ou de thérapeute comme l’auteur de cette contribution, mais je base ma réflexion sur 30 années d’observation des organisations et de leurs dysfonctionnements en tant que consultant en management. Mon expérience m’a également conduit à accompagner des Directions de Ressources Humaines dans la définition et le déploiement de politiques RH, parfois ambitieuses, et dans l’identification et la promotion de bonnes pratiques en la matière.
En prenant un peu de recul, ce qui me frappe est le niveau de maturité assez faible de la plupart des encadrants sur ces sujets (des managers d’équipe aux membres du Comex). Je mets de coté les managers toxiques qui revendiquent ou assument un management « à la schlague », généralement agrémenté d’humour de corps de garde, ou autres manipulateurs. Chacun de nous en a certainement croisé au cours de sa carrière, mais s’ils existent indiscutablement, ils ne sont heureusement pas légion. Je pense plutôt à l’immense majorité des cadres, qui sincèrement persuadés de l’importance d’une gestion humaine bienveillante, entretiennent néanmoins des pratiques ou des processus aux effets néfastes.
Il me semble que cela est le résultat d’une certaine méconnaissance des mécanismes générateurs de stress et des conséquences d’actes ou de situations qui bien que paraissant anodines, peuvent affecter profondément les individus qui les subissent.
C’est pourquoi, je crois nécessaire, dans une logique de prévention, d’expliciter autant que possible les recommandations faites dans cet article, et de les traduire en situations / événements très concrets mesurables par tout un chacun. Et de faire comprendre que ces petits actes « anodins », ne le sont en fait pas, que leur répétition, leur accumulation finit par créer des situations de stress, de mal-être, voire de détresse.
Cette approche ne s’oppose pas à l’action menée en aval par les thérapeutes, qui apportent un aide très précieuse aux victimes de burn-out. Elle la complète en tentant de prévenir, en amont, et autant que possible, ces situations à risque.
Un exemple concret permettra d’illustrer mon propos. Prenons le cas, très répandu d’un double rattachement hiérarchique. Cela est considéré comme une conséquence naturelle des organisations matricielles, et se matérialise sous différentes formes : hiérarchique / fonctionnel, territorial / par activité ou ligne de service, etc.
Dès lors, le cadre – le plus souvent dans ces cas là – va se trouvé tiraillé entre des objectifs multiples ; ce qui n’est pas encore très grave car il est supposé avoir la qualification pour traiter des sujets complexes. Mais parfois –souvent- ces objectifs deviennent antagonistes. Et là, cela devient problématique. Car ce cadre n’a généralement pas l’autonomie ou la délégation pour réaliser les arbitrages en conscience et privilégier l’objectif qui lui semble le plus en phase avec les intérêts supérieurs de l’entreprise. A moins d’une coordination parfaite de ses deux responsables (cela doit exister, je serais curieux de pouvoir l’observer…), il ne va cesser d’être tiraillé et mis sous pression par l’un des deux. Et là, à lui de se débrouiller avec ses injonctions paradoxales, personne de viendra l’aider. Quoiqu’il fasse, il s’attirera des critiques et reproches d’un coté ou de l’autre. L’échec est inévitable.
Voilà comment d’une situation a priori anodine, largement répandue et communément admise dans les organisations de taille moyenne ou grande, nait un facteur de stress important. La plupart des managers reconnaissent l’inconvénient de cette situation. Mais peu mesurent l‘étendue des dégâts qu’elle est susceptible de générer.
D’où ma recommandation de proposer un diagnostic basé sur l’évaluation de situations très concrètes présentant un risque de stress. Ce guide d’évaluation (ou d’autoévaluation) comprendrait une trentaine de critères et devrait couvrir les pratiques de plusieurs domaines :
- l’organisation (structures, reporting, autonomie…)
- les modes de management (objectifs, évaluations, )
- la communication (partage des informations, tonalité des messages, valorisation des personnes …)
- les conditions de vie au travail (équilibre vie privée / vie professionnelle, cadre de travail, respect des règles de sécurité)
- les conditions matérielles (équité des rémunérations, moyens alloués, perspectives…)
Bien entendu, dès lors que l’on entre dans le domaine de l’humain, on ne peut pas se reposer uniquement sur des critères d’évaluation quantifiables. C’est pourquoi cette démarche devrait être complétée par une série d’entretiens plus qualitatifs, destinés à apprécier les situations plus nuancées ou plus subtiles, mais qui peuvent s’avérer tout aussi pernicieuses.
Au final l’entreprise vertueuse disposerait d’un diagnostic très opérationnel lui permettant de traduire ses engagements en actions concrètes, perceptibles dans les actes de gestion quotidiens.
Alors, le stress au travail, on s’y attaque ?


