Rendons les organisations plus résilientes.

La Covid a conduit à une paralysie quasi planétaire en mettant à l’arrêt la plupart des secteurs d’activité et des institutions publiques.  Qui aurait pu imaginer les conséquences sur l’économie et sur notre vie quotidienne de ce minuscule virus, ni très létal comparé à d’autres, ni extrêmement contagieux au regards des grippes hivernales pour ne citer qu’elles?

Il a surtout mis en lumière notre impréparation collective, en tant que société, en tant qu’entreprises, à fonctionner en mode dégradé. Fort heureusement certains acteurs démontrent leur capacité à maintenir une activité et des services à un niveau proche de la normale : fournisseurs d’énergie, banques, distribution alimentaire, établissements de santé… pour ne citer qu’eux.  Il s’agir pour la plupart d’Opérateurs d’Importance Vitale, que leur statut oblige à disposer de plans de secours rapidement opérationnels en temps de crise.

Mais pour la majorité des entreprises, cela a été l’arrêt complet, avec des conséquences préoccupantes pour la pérennité de certaines d’entre elles, et pour les finances publiques.

Une prise de conscience est en train de s’opérer. Ça et là des voix s’élèvent pour affirmer que « les choses ne seront plus comme avant », qu’il faut « réinventer notre système » ou la nécessité de changements profonds.

Il est difficile de dire à quel point ces résolutions se concrétiseront une fois relancée l’activité, dès lors que chacun sera absorbé dans les travaux quotidiens visant à faire redémarrer la machine et tenter de rattraper,  au moins en partie, le temps perdu.

Les entreprises, ainsi que les organisations publiques, doivent réfléchir à mettre en place des modes de fonctionnement beaucoup plus résilients.

Sans préjuger de la profondeur des changements à venir, une chose paraît évidente : la résilience doit devenir une préoccupation aussi présente à  l’esprit des dirigeants que l’était jusqu’alors la performance.  Car sans la première, la seconde ne pourra tout simplement pas se matérialiser ; ou alors de façon sporadique lorsque toutes les planètes seront alignées et qu’aucune perturbation extérieure majeur ne viendra déstabiliser la marche des affaires.

Il peut paraître facile, voire convenu, de tenir ce discours en pareil moment. Certes, il a plus de chances d’être entendu aujourd’hui alors que chacun fait face aux conséquences majeures de la crise, que lors d’une période d’accalmie où il est plus tentant de se focaliser sur ses parts de marché, ses marges où l’amélioration de ses résultats financiers. Et puis, une organisation, des processus plus robustes, la préparation, le test de plans de crise… tout cela n’a t’il pas un coût ? Certainement ! Mais peut être pas si élevé qu’on l’imagine dès lors que les mesures nécessaires sont prises avec anticipation et dans un cadre organisé. Et faut il rappeler le coût d’une crise telle que celle que nous sommes en train de vivre ? Et encore, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Donc si l’on  ne s’y prépare pas, le prochain événement aboutira aux mêmes conséquences : arrêt de l’activité, licenciements, faillites…

L’erreur majeure serait de croire que cette crise est exceptionnelle et qu’elle ne se reproduira pas de sitôt. Sous cette forme, probablement pas. Mais d’autres crises surviendront, sous d’autres formes.  Elles auront des conséquences similaires pour certains acteurs d’activité voire l’économie toute entière. Je ne vais pas rappeler leur succession depuis 2001, mais nous en sommes au rythme d’une crise de niveau mondial en moyenne tous les 4 ans sur ces 20 dernières années. Et pour ce qui nous concerne, nous Français, la dernière est intervenue il y a moins de 6 mois, la précédente un an auparavant…

Mais alors comment s’y préparer, alors même que ces phénomènes sont imprévisibles aussi bien dans leur survenance que dans leur forme ?

« Ne cherchez pas à prévoir la nature de l’événement qui va vous affecter,  concentrez vous sur les vulnérabilités de votre organisation »

C’est le premier conseil que l’on pourrait donner à des dirigeants soucieux de renforcer la résilience de leur entreprise. En effet, la réalité est plus surprenante que les scénarios hollywoodiens les plus élaborés. Revenons 6 mois en arrière : qu’envisagions nous ?  Une crise commerciale entre les Etats Unis et la Chine avec son cortège de taxes, de barrières douanières et une augmentation inquiétante du prix du baril de pétrole. Que s’est-il passé ? Rien de tout ça, mais un minuscule virus et au passage, le baril de pétrole a ponctuellement coté à un cours négatif : on vous payait si vous pouviez l’emporter !

Donc abandonnez le jeu des prévisions.

Focalisez vous sur les fragilités de votre organisation : son fonctionnement, ses approvisionnements, son financement. Et tentez de répondre à des questions pratiques : 

  • Pouvons nous continuer à fonctionner, fût-ce partiellement avec 20% de personnel absent ?  30% ?  50 % ?
  • Que se passe t-il si notre principal fournisseur ne peut plus nous livrer (quelle qu’en soit la cause : embargo, grève des transports, arrêt de sa production…) ?
  • Sommes nous capables de garder le contact avec nos clients finaux si notre chaîne de distribution est paralysée ?
  • Comment continuer à fonctionner si nous sommes  contraints de fermer temporairement notre site principal de production / certains points de vente ?
  • Combien de temps pouvons nous tenir sans rentrée de cash ?

Les réponses à ces questions sont à comparer au niveau de risque acceptable pour l’entreprise. En cas de divergence trop marquée, des solutions doivent être imaginées et mises en place.

.La résilience, c’est une culture à développer à tous les étages de l’organisation.

L’analyse des vulnérabilités évoquée précédemment s’apparente à une analyse de risques. Cette démarche est assez répandue dans les entreprises, mais peu d’entre elles poussent la logique jusqu’au bout, en définissant les plans d’actions nécessaires et en les intégrant  avec la priorité requise dans l’ensemble des chantiers à mener.

La résilience ne peut s’obtenir si elle n’est pas une préoccupation commune sous-jacente, au même titre que la performance.  Cela signifie que ce critère doit être pris en compte dans toutes les décisions d’organisation, de modification des processus… comme l’est naturellement celui de l’efficacité.

C’est donc un changement culturel profond à opérer, dans bon nombre de cas. Il est certes tentant d’éviter de remettre en question certains choix guidés par la seule performance et de s’en remettre à sa capacité d’adaptation, à la motivation des managers et des équipes… pour gérer les crises, si tant est qu’elles surviennent.

Ce raisonnement ne vaut plus. Tout d’abord parce qu’une nouvelle crise ne manquera pas de survenir. Malheureusement plus tôt que nous l’anticipons. C’est inhérent au monde dans lequel nous vivons, fait d’échanges et d’interactions entre toutes les régions du globe, mais aussi à l’accélération des innovations, des découvertes, des tendances,  et au bouleversement climatique. Ensuite, parce que lorsque survient un événement inattendu, il ne laisse généralement pas le temps d’adapter son organisation aux circonstances.  Seule une anticipation et une préparation en amont permettent éventuellement d’y faire face. Et à la fin, la résilience, c’est de la performance !

Pour opérer ce changement culturel, une impulsion forte du top management est indispensable. Ainsi qu’une traduction concrète au moment de prendre des décisions, d’opérer des choix. Les objectifs des directeurs, des managers doivent intégrer cette préoccupation. Si cette préoccupation n’est pas présente dans les arbitrages, y compris budgétaires, ni dans les objectifs individuels, alors la résilience demeurera un vœu pieu et un exercice intellectuel certes stimulant mais sans grande utilité pour l’entreprise.

Des indicateurs clés de pilotage et des actions de communication doivent illustrer cette nouvelle culture

Selon l’adage, « on n’obtient que ce que l’on mesure », les indicateurs clés de pilotage sont un outil puissant de communication des objectifs. Chacun sait qu’ils sont scrutés par le top management et que tout ce qui contribue à leur détermination prend une  importance accrue. C’est pourquoi, un certain nombre d’entre eux doivent illustrer le niveau de résilience de certains processus ou domaines de l’organisation. Cela peut conduire à faire évoluer le tableau de bord, afin d’y inclure de nouveaux indicateurs. Dans d’autres cas, ce sera la valeur cible de l’indicateur qui pourra être amenée à changer. Par exemple, le niveau de stock de pièces d’une usine, voulu au plus bas dans une logique de flux tendu, peut être désormais fixé à un certain niveau dans un souci d’assurer la continuité de la production même en cas de rupture temporaire d’approvisionnement.

De même les actions menant à la sécurisation du fonctionnement doivent être valorisées dans la communication interne au même titre que le sont les succès commerciaux, les réalisations marquantes de la production, ou celles des ressources humaines.

Ce faisant, la culture de la résilience pourra progressivement se diffuser dans toute l’organisation et contribuer à ce que celle ci soit mieux armée pour répondre aux prochaines crises, quelle que soit leur nature.

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