Après crise. On change tout, ou on repart comme avant ?

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La crise du Covid-19 a mis en lumière un certain nombre de fragilités au sein des entreprises et de nos sociétés. Ceci d’autant plus que le ralentissement -pour ne pas dire l’arrêt- de l’activité, et les contraintes du confinement nous ont conduit à une prise de recul et une réflexion sur nos habitudes de vie et nos modes de travail.

C’est un point positif ce cette crise – maigre consolation- au milieu du flot de catastrophes et de mauvaises nouvelles. Mais ces réflexions, encore menées à chaud, demeurent empreintes de l’émotion suscitée par la crise et par le sentiment diffus, bien que non dénué de fondement, que « quelque chose ne tourne pas rond ».

Effectivement, quelque chose ne tourne pas rond. Au moins deux éléments tendent à le montrer.

En premier lieu, cette crise a révélé la fragilité de nos sociétés et l’extrême vulnérabilité de nos économies, à un phénomène dont l’ampleur, quoi qu’on ait pu en dire, est loin d’être séculaire. L’épidémie de grippe de Hong-Kong avait causé de fin de 1968 au début de 1970 un nombre de décès légèrement supérieur. Et l’économie ne s’était pas arrêtée pour autant (la croissance du PIB en France fut 7,1%(1) en 1969 et de 6,1%(1) en 1970).

La capacité à encaisser les épreuves sans broncher était–elle à l’époque plus développée qu’aujourd’hui ? Peut être, en raison de la présence aux commandes et en tant qu’actifs, de générations ayant vécu des drames sans commune mesure avec ces crises sanitaires (pensons juste à la Seconde Guerre mondiale, aux guerres d’Indochine ou d’Algérie). Est-ce du au développement spectaculaire des moyens d’information ou de communication, dont certains ont fait de la peur et du sensationnel leur fonds de commerce ? Probablement aussi.

Toujours est-il que la paralysie de tout un pays et même de plus de la moitié du monde en raison d’une crise sanitaire, même si personne ne conteste le fait qu’il était indispensable de la combattre vigoureusement, n’est pas sans poser quelques questions.

Ceci permet de faire lien avec le second point. L’épidémie de Covid a déclenché une mobilisation et des réactions d’une rapidité et d’une ampleur remarquables. Peu de catastrophes ont mobilisé en si peu de temps autant de gouvernement, de moyens humains, financiers, de communication etc. Et par contrecoup cela a mis en lumière la relative indifférence avec laquelle nous traitons des drames aux conséquences encore plus lourdes : la faim dans le monde a déjà fait près de 4 millions de mors depuis le 1er janvier, et plus près de chez nous, la pollution atmosphérique est responsable de 48000 décès par an(2), rien qu’en France. Soit plus d’une fois et demi le bilan de l’épidémie de Covid. Tous les ans !

La conviction d’un changement nécessaire, mais une cible encore floue

De cette prise de conscience soudaine de dérèglements anormaux, émergent de nombreux avis pour le moins tranchés, voire définitifs.  Dans un grand journal national réputé pour son sérieux et sa modération : « La crise que nous traversons nous oblige à repenser notre modèle économique et sociétal à l’aune de la durabilité(3) ».  Rien que ça ! Ces avis semblent refléter des émotions à chaud, une sensibilité exacerbée la situation vécue depuis trois mois, plus qu’une réflexion aboutie et menées dans le contexte propre d’une société (pays), d’un secteur d’activité ou d’une entreprise.

On voit également émerger un certain nombre de solutions miracles : l’une d’entre elles est source de débats abondants sur tous les forums. Il s’agit du télétravail. Cette pratique  est parfois présentée comme l’alpha et l’oméga de l’organisation du travail, permettant de s’affranchir de toutes les contraintes ; chacun de nous a dans son entourage des collègues, des amis, fiers d’affirmer que grâce au télétravail, ils ont poursuivi leur activité sans encombre, voire de manière plus efficace.

Leur enthousiasme et leur détermination sont louables, mais si ce mode d’organisation présente des avantages dans certaines situations particulières, pas uniquement en temps de crise d’ailleurs,  il ne peut se substituer sur le long terme à des relations construites par le fait de travailler ensemble et au même endroit. Une entreprise est bien plus qu’un ensemble d’individus travaillant séparément chacun dans son coin et dont les échanges se limitent à quelques sessions de vidéoconférences désincarnées. Certains ont aussi vu là une opportunité de réduire les surfaces de bureaux, autrement dit de reporter les charges immobilières des entreprises sur leurs salariés.

Si le seul enseignement que l’on tire de cette crise, c’est la possibilité de réduire les surfaces de bureaux, c’est que n’aurons rien compris et nous nous préparons à une période très douloureuse lorsque surviendra la prochaine crise.

Mais alors, rien ne change ? Si, beaucoup de choses sont susceptibles de changer ; mais il est trop tôt pour dire lesquelles, et à quelle vitesse. Certains acteurs chercheront peut-être à raccourcir leur chaîne logistique, à te-privilégier un sourcing de proximité, alors que d’autres se soucieront de créer des canaux de vente alternatifs afin de maintenir en toutes circonstances le lien avec les clients, ou que d’autres encore seront préoccupés par le maintien de l’accès de leurs employés à leur poste de travail et aux système d’information de l’entreprise. Ou bien d’autres choses dont nous n’avons pas idée à l’instant présent.

Quoi qu’il en soit, ces changements viendront d’une prise de conscience collective qui amènera progressivement à faire évoluer certains principes, certaines règles ou certains modes de fonctionnement.

Le changement passe par un retour d’expérience sans concession

Cette prise de conscience se fera d’autant plus facilement que les organisations auront pris le soin de réaliser une analyse à froid de l’épisode qu’elles ont traversé. Cette analyse, ou retour d’expérience, devra se baser sur les faits, identifier les impacts subis, leurs causes et les mécanismes qui les ont rendus si forts ou si peu évitables.

Elle va bien entendu mettre en évidence des facteurs liés à la nature de la crise (une épidémie), mais également des facteurs internes à l’entreprise (ou à la collectivité) qui ont aggravé les impacts ou limité la capacité à y faire face. Ces derniers sont les plus intéressants car ils permettent d’identifier des fragilités de l’organisation, et parant de là de renforcer la résilience à des crises futures, fussent-elles de nature complètement différente (voir à ce sujet un article précédent consacré à la construction d’organisations plus résilientes(4) )

Les bouleversements générés par la crise créent les conditions favorables à réflexion approfondie, dépassant le cadre généralement fixé, les paradigmes établis. La porte étant ouverte, cette réflexion peut englober les préoccupations plus larges allant jusqu’à la mission de l’entreprise, son rôle vis à vis de grands enjeux tels que le changement climatique, sa responsabilité sociale… Il serait dommage de ne pas en profiter.

A défaut, des mesures pourraient être prises, mais elles seraient opportunistes, d’ordre tactique. D’une certaine manière, on repart comme avant, mais avec 30 % de bureaux en moins…

Ce n’est que sur la base d’une réflexion structurée que pourront s’opérer des changements profonds, de niveau stratégique, et à même de susciter une large adhésion. Une telle opportunité ne se présente pas tous les jours. Saisissons la !

(1) Source : Banque Mondiale

(2) Source : INVS, ONIRS, Santé Publique France

(3) Le Monde – 2 juin 2020

(4)   https://www.astonconsulting.fr/index.php/2020/05/22/rendons-les-organisations-plus-resilientes/

Stress et burn-out : s’attaquer aux causes

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Pour faire suite à  une analyse enrichissante publiée par un ami coach professionnel et psychopraticien sur les pistes à explorer pour prévenir le burn-out, j’ai essayé de pousser la réflexion un cran plus loin afin de rendre ses conseils encore plus explicites pour les entreprises et les managers vertueux, soucieux de l’équilibre psychologique de leurs collaborateurs.

Je ne dispose pas des compétences de coach ou de thérapeute comme l’auteur de cette contribution, mais je base ma réflexion sur 30 années d’observation des organisations et de leurs dysfonctionnements en tant que consultant en management. Mon expérience m’a également conduit à accompagner des Directions de Ressources Humaines dans la définition et le déploiement de politiques RH, parfois ambitieuses, et dans l’identification et la promotion de bonnes pratiques en la matière.

En prenant un peu de recul, ce qui me frappe est le niveau de maturité assez faible de la plupart des encadrants sur ces sujets (des managers d’équipe aux membres du Comex). Je mets de coté les managers toxiques qui revendiquent ou assument un management « à la schlague », généralement agrémenté d’humour de corps de garde, ou autres manipulateurs. Chacun de nous en a certainement croisé au cours de sa carrière, mais s’ils existent indiscutablement, ils ne sont heureusement pas légion. Je pense plutôt à l’immense majorité des cadres, qui sincèrement persuadés de l’importance d’une gestion humaine bienveillante, entretiennent néanmoins des pratiques ou des processus aux effets néfastes.

Il me semble que cela est le résultat d’une certaine méconnaissance des mécanismes générateurs de stress et des conséquences d’actes ou de situations qui bien que paraissant anodines, peuvent affecter profondément les individus qui les subissent.

C’est pourquoi, je crois nécessaire, dans une logique de prévention, d’expliciter autant que possible les recommandations faites dans  cet article, et de les traduire en situations / événements très concrets mesurables par tout un chacun. Et de faire comprendre que ces petits actes « anodins », ne le sont en fait pas, que leur répétition, leur accumulation finit par créer des situations de stress, de mal-être, voire de détresse.

Cette approche ne s’oppose pas à l’action menée en aval par les thérapeutes, qui apportent un aide très précieuse aux victimes de burn-out. Elle la complète en tentant de prévenir, en amont, et autant que possible, ces situations à risque.

Un exemple concret permettra d’illustrer mon propos.  Prenons le cas, très répandu d’un double rattachement hiérarchique. Cela est considéré comme une conséquence naturelle des organisations matricielles, et se matérialise sous différentes formes : hiérarchique / fonctionnel, territorial / par activité ou ligne de service, etc.

Dès lors, le cadre – le plus souvent dans ces cas là – va se trouvé tiraillé entre des objectifs multiples ; ce qui n’est pas encore très grave car il est supposé avoir la qualification pour traiter des sujets complexes. Mais parfois –souvent-  ces objectifs deviennent antagonistes. Et là, cela devient problématique. Car ce cadre n’a généralement pas l’autonomie ou la délégation pour réaliser les arbitrages en conscience et privilégier l’objectif qui lui semble le plus en phase avec les intérêts supérieurs de l’entreprise.  A moins d’une coordination parfaite de ses deux responsables (cela doit exister, je serais curieux de pouvoir l’observer…), il ne va cesser d’être tiraillé et mis sous pression par l’un des deux. Et là, à lui de se débrouiller avec ses injonctions paradoxales, personne de viendra l’aider. Quoiqu’il fasse, il s’attirera des critiques et reproches d’un coté ou de l’autre. L’échec est inévitable.

Voilà comment d’une situation a priori anodine, largement répandue et communément admise dans les organisations de taille moyenne ou grande, nait un facteur de stress important. La plupart des managers reconnaissent l’inconvénient de cette situation. Mais peu mesurent l‘étendue des dégâts qu’elle est susceptible de générer.

D’où ma recommandation de proposer un diagnostic basé sur l’évaluation de situations très concrètes présentant un risque de stress. Ce guide d’évaluation (ou d’autoévaluation) comprendrait une trentaine de critères et devrait couvrir les pratiques de plusieurs domaines :

  • l’organisation (structures, reporting, autonomie…)
  • les modes de management (objectifs, évaluations, )
  • la communication (partage des informations, tonalité des messages, valorisation des personnes …)
  • les conditions de vie au travail (équilibre vie privée / vie professionnelle, cadre de travail, respect des règles de sécurité)
  • les conditions matérielles (équité des rémunérations,  moyens alloués, perspectives…)

Bien entendu, dès lors que l’on entre dans le domaine de l’humain, on ne peut pas se reposer uniquement sur des critères d’évaluation quantifiables. C’est pourquoi cette démarche devrait être complétée par une série d’entretiens plus qualitatifs, destinés à apprécier les situations plus  nuancées ou plus subtiles, mais qui peuvent s’avérer tout aussi pernicieuses.

Au final l’entreprise vertueuse disposerait d’un diagnostic très opérationnel lui permettant de traduire ses engagements en actions concrètes, perceptibles dans les actes de gestion quotidiens.

Alors, le stress au travail, on s’y attaque ?

Rendons les organisations plus résilientes.

La Covid a conduit à une paralysie quasi planétaire en mettant à l’arrêt la plupart des secteurs d’activité et des institutions publiques.  Qui aurait pu imaginer les conséquences sur l’économie et sur notre vie quotidienne de ce minuscule virus, ni très létal comparé à d’autres, ni extrêmement contagieux au regards des grippes hivernales pour ne citer qu’elles?

Il a surtout mis en lumière notre impréparation collective, en tant que société, en tant qu’entreprises, à fonctionner en mode dégradé. Fort heureusement certains acteurs démontrent leur capacité à maintenir une activité et des services à un niveau proche de la normale : fournisseurs d’énergie, banques, distribution alimentaire, établissements de santé… pour ne citer qu’eux.  Il s’agir pour la plupart d’Opérateurs d’Importance Vitale, que leur statut oblige à disposer de plans de secours rapidement opérationnels en temps de crise.

Mais pour la majorité des entreprises, cela a été l’arrêt complet, avec des conséquences préoccupantes pour la pérennité de certaines d’entre elles, et pour les finances publiques.

Une prise de conscience est en train de s’opérer. Ça et là des voix s’élèvent pour affirmer que « les choses ne seront plus comme avant », qu’il faut « réinventer notre système » ou la nécessité de changements profonds.

Il est difficile de dire à quel point ces résolutions se concrétiseront une fois relancée l’activité, dès lors que chacun sera absorbé dans les travaux quotidiens visant à faire redémarrer la machine et tenter de rattraper,  au moins en partie, le temps perdu.

Les entreprises, ainsi que les organisations publiques, doivent réfléchir à mettre en place des modes de fonctionnement beaucoup plus résilients.

Sans préjuger de la profondeur des changements à venir, une chose paraît évidente : la résilience doit devenir une préoccupation aussi présente à  l’esprit des dirigeants que l’était jusqu’alors la performance.  Car sans la première, la seconde ne pourra tout simplement pas se matérialiser ; ou alors de façon sporadique lorsque toutes les planètes seront alignées et qu’aucune perturbation extérieure majeur ne viendra déstabiliser la marche des affaires.

Il peut paraître facile, voire convenu, de tenir ce discours en pareil moment. Certes, il a plus de chances d’être entendu aujourd’hui alors que chacun fait face aux conséquences majeures de la crise, que lors d’une période d’accalmie où il est plus tentant de se focaliser sur ses parts de marché, ses marges où l’amélioration de ses résultats financiers. Et puis, une organisation, des processus plus robustes, la préparation, le test de plans de crise… tout cela n’a t’il pas un coût ? Certainement ! Mais peut être pas si élevé qu’on l’imagine dès lors que les mesures nécessaires sont prises avec anticipation et dans un cadre organisé. Et faut il rappeler le coût d’une crise telle que celle que nous sommes en train de vivre ? Et encore, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Donc si l’on  ne s’y prépare pas, le prochain événement aboutira aux mêmes conséquences : arrêt de l’activité, licenciements, faillites…

L’erreur majeure serait de croire que cette crise est exceptionnelle et qu’elle ne se reproduira pas de sitôt. Sous cette forme, probablement pas. Mais d’autres crises surviendront, sous d’autres formes.  Elles auront des conséquences similaires pour certains acteurs d’activité voire l’économie toute entière. Je ne vais pas rappeler leur succession depuis 2001, mais nous en sommes au rythme d’une crise de niveau mondial en moyenne tous les 4 ans sur ces 20 dernières années. Et pour ce qui nous concerne, nous Français, la dernière est intervenue il y a moins de 6 mois, la précédente un an auparavant…

Mais alors comment s’y préparer, alors même que ces phénomènes sont imprévisibles aussi bien dans leur survenance que dans leur forme ?

« Ne cherchez pas à prévoir la nature de l’événement qui va vous affecter,  concentrez vous sur les vulnérabilités de votre organisation »

C’est le premier conseil que l’on pourrait donner à des dirigeants soucieux de renforcer la résilience de leur entreprise. En effet, la réalité est plus surprenante que les scénarios hollywoodiens les plus élaborés. Revenons 6 mois en arrière : qu’envisagions nous ?  Une crise commerciale entre les Etats Unis et la Chine avec son cortège de taxes, de barrières douanières et une augmentation inquiétante du prix du baril de pétrole. Que s’est-il passé ? Rien de tout ça, mais un minuscule virus et au passage, le baril de pétrole a ponctuellement coté à un cours négatif : on vous payait si vous pouviez l’emporter !

Donc abandonnez le jeu des prévisions.

Focalisez vous sur les fragilités de votre organisation : son fonctionnement, ses approvisionnements, son financement. Et tentez de répondre à des questions pratiques : 

  • Pouvons nous continuer à fonctionner, fût-ce partiellement avec 20% de personnel absent ?  30% ?  50 % ?
  • Que se passe t-il si notre principal fournisseur ne peut plus nous livrer (quelle qu’en soit la cause : embargo, grève des transports, arrêt de sa production…) ?
  • Sommes nous capables de garder le contact avec nos clients finaux si notre chaîne de distribution est paralysée ?
  • Comment continuer à fonctionner si nous sommes  contraints de fermer temporairement notre site principal de production / certains points de vente ?
  • Combien de temps pouvons nous tenir sans rentrée de cash ?

Les réponses à ces questions sont à comparer au niveau de risque acceptable pour l’entreprise. En cas de divergence trop marquée, des solutions doivent être imaginées et mises en place.

.La résilience, c’est une culture à développer à tous les étages de l’organisation.

L’analyse des vulnérabilités évoquée précédemment s’apparente à une analyse de risques. Cette démarche est assez répandue dans les entreprises, mais peu d’entre elles poussent la logique jusqu’au bout, en définissant les plans d’actions nécessaires et en les intégrant  avec la priorité requise dans l’ensemble des chantiers à mener.

La résilience ne peut s’obtenir si elle n’est pas une préoccupation commune sous-jacente, au même titre que la performance.  Cela signifie que ce critère doit être pris en compte dans toutes les décisions d’organisation, de modification des processus… comme l’est naturellement celui de l’efficacité.

C’est donc un changement culturel profond à opérer, dans bon nombre de cas. Il est certes tentant d’éviter de remettre en question certains choix guidés par la seule performance et de s’en remettre à sa capacité d’adaptation, à la motivation des managers et des équipes… pour gérer les crises, si tant est qu’elles surviennent.

Ce raisonnement ne vaut plus. Tout d’abord parce qu’une nouvelle crise ne manquera pas de survenir. Malheureusement plus tôt que nous l’anticipons. C’est inhérent au monde dans lequel nous vivons, fait d’échanges et d’interactions entre toutes les régions du globe, mais aussi à l’accélération des innovations, des découvertes, des tendances,  et au bouleversement climatique. Ensuite, parce que lorsque survient un événement inattendu, il ne laisse généralement pas le temps d’adapter son organisation aux circonstances.  Seule une anticipation et une préparation en amont permettent éventuellement d’y faire face. Et à la fin, la résilience, c’est de la performance !

Pour opérer ce changement culturel, une impulsion forte du top management est indispensable. Ainsi qu’une traduction concrète au moment de prendre des décisions, d’opérer des choix. Les objectifs des directeurs, des managers doivent intégrer cette préoccupation. Si cette préoccupation n’est pas présente dans les arbitrages, y compris budgétaires, ni dans les objectifs individuels, alors la résilience demeurera un vœu pieu et un exercice intellectuel certes stimulant mais sans grande utilité pour l’entreprise.

Des indicateurs clés de pilotage et des actions de communication doivent illustrer cette nouvelle culture

Selon l’adage, « on n’obtient que ce que l’on mesure », les indicateurs clés de pilotage sont un outil puissant de communication des objectifs. Chacun sait qu’ils sont scrutés par le top management et que tout ce qui contribue à leur détermination prend une  importance accrue. C’est pourquoi, un certain nombre d’entre eux doivent illustrer le niveau de résilience de certains processus ou domaines de l’organisation. Cela peut conduire à faire évoluer le tableau de bord, afin d’y inclure de nouveaux indicateurs. Dans d’autres cas, ce sera la valeur cible de l’indicateur qui pourra être amenée à changer. Par exemple, le niveau de stock de pièces d’une usine, voulu au plus bas dans une logique de flux tendu, peut être désormais fixé à un certain niveau dans un souci d’assurer la continuité de la production même en cas de rupture temporaire d’approvisionnement.

De même les actions menant à la sécurisation du fonctionnement doivent être valorisées dans la communication interne au même titre que le sont les succès commerciaux, les réalisations marquantes de la production, ou celles des ressources humaines.

Ce faisant, la culture de la résilience pourra progressivement se diffuser dans toute l’organisation et contribuer à ce que celle ci soit mieux armée pour répondre aux prochaines crises, quelle que soit leur nature.

Le sujet vous intéresse ? Discutons-en .

Le confinement… et après ?

Quelle que soit la durée du confinement, il prendra fin un jour. La question qui va alors se poser à chaque entreprise est la suivante : comment retrouver un niveau d’activité “normal”, comparable à celui d’avant la crise ?  Et c’est bien le principal enjeu : il ne faudrait pas que les sociétés, déjà très affectées par l’arrêt quasi complet et prolongé de pans entiers de l’économie – phénomène inédit dans les dernières décennies, soient ensuite confrontées à une période de semi-activité trop longue.

En effet si pendant la période d’arrêt l’absence de chiffres d’affaires a pu être en partie compensée par l’effacement de certaines charges (achats de matières premières, prise en charge du chômage partiel…), ce ne sera plus le cas dès lors que les mesures de confinement seront levées: les entreprises supporteront alors à nouveau une grande partie de leurs charges. Mais qu’en sera t-il des revenus ? Au bout de combien de temps les ventes retrouveront-elles leur niveau d’avant crise ? Des semaines ? Des mois ?  Une année ?

Une telle situation, si elle perdurait, pourrait aggraver encore une situation déjà très difficile, ne serait-ce qu’en termes de trésorerie. Des entreprises ayant réussi à traverser la crise, au prix d’efforts importants, pourraient voir leur visibilité menacée par un déficit d’activité trop prolongé. C’est un risque non négligeable, car la machine économique ne va pas se remettre à tourner immédiatement à plein régime.

C’est pourquoi il est crucial d’anticiper le redémarrage et de faire en sorte que cette période de montée en charge soit la plus courte possible. Facile à dire ! Un peu moins à réaliser, tant les sujets à traiter sont nombreux.  Cela nécessite, entre autres,

  • de réactiver les contacts avec tous les clients pour les informer des nouvelles capacités de livraison ou de fourniture de services,
  • de prévenir le personnel de la date et des modalités de reprise (plannings, gestion des congés…), tout en ayant prévu les mesures de sécurité évitant une reprise de l’épidémie et l‘information des employés,
  • de caler la reprise d’activité des partenaires et sous-traitants,
  • de remettre en route les circuits d’approvisionnement et plus généralement toute la chaîne logistique,
  • d’élaborer  un plan de production adapté et d’en prévoir la montée en cadence,
  • de redémarrer l’outil de production,

le tout en gérant les flux financiers afférents avec une trésorerie dégradée.

Bien entendu ces différents aspects doivent être traités en parallèle et en étroite coordination car ils sont interdépendants.  Le soin apporté à cette préparation ainsi que  le souci du détail conditionneront le rythme de montée en charge, et donc le délai de retour à une situation normale.

La tâche est immense, mais elle capitale. Elle doit donc dès à présent concentrer l’essentiel des forces disponibles.